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Commentaire sur l'économie et les marchés

L’indépendance de la Réserve fédérale malmenée

Bien que le Trump ait déclaré ne pas avoir l’intention de congédier Powell, son administration pourrait bien essayer de tester les lois qui protègent l’indépendance de la Réserve fédérale.

Alors que les risques s’accentuent sur l’économie américaine, le président Donald Trump a de nouveau critiqué la politique de la Réserve fédérale la semaine dernière, déclarantqu’il aurait très bien pu se «débarrasser» de son président, Jerome Powell, «s’il avait voulu», estimant que celui-ci «tardait» à baisser les taux à court terme. Le directeur du Conseil économique national de la Maison-Blanche, Kevin Hassett, a de son côté confirmé que le président «étudierait» la possibilité de remplacer Powell. Lundi, Trump a traité Powell d’«immense looser» et a déclaré qu’il avait besoin d’une baisse des taux d’intérêt «maintenant», pour finalement déclarer mardi après-midi ne pas avoir l’intention de limoger le président de la Réserve fédérale.

Ces commentaires suscitent malgré tout des craintes pour l’indépendance de la politique monétaire américaine et expliquaient probablement la baisse du marché boursier, des bons du Trésor et du dollar des États-Unis.

Entre-temps, Powell a précisé qu’il ne démissionnerait pas de la présidence de la banque centrale américaine avant la fin de son mandat, en mai 2026. À notre avis, les menaces de l’administration Trump ne modifieront pas la politique monétaire et ne provoqueront pas plus le départ de Powell. Sur un plan purement pratique, on ne voit de toute façon pas très bien ce que le premier gagnerait du départ du second. Il n’a de toute façon pas le pouvoir de prendre une telle décision,mais le simple fait de l’évoquer reste préoccupant et donne aux prochaines décisions de la Cour suprême une importance particulière quant à l’indépendance de la Réserve fédérale. Le moindre risque de détérioration à cet égard pourrait avoir une incidence sur les marchés de capitaux des États-Unis et sur le dollar.

Trump peut-il limoger Powell? La Cour suprême pourrait avoir son mot à dire

L’indépendance de la Réserve fédérale obéit à un principe relativement moderne et consolidé dans les années 1970, quand Nixon avait fait pression sur le président de la Réserve fédérale de l’époque, Arthur Burns, pour maintenir des taux faibles alors que l’inflation menaçait. Les dégâts infligés alors à l’économie américaineavaient consacré ce principe d’indépendance, au moins de façon implicite, de sorte que le statut de devise de référence du dollar et de valeur refuge des bons du Trésor américain s’est depuis imposé parmi les cambistes.

La Réserve fédérale, dont aucun président n’a jamais été limogé par la Maison-Blanche,affirme que Trump n’a pas le droit de prendre une telle décision sous prétexte de désapprouver la politique monétaire. Ses dirigeants s’appuient sur la loi de 1913 qui a créé la banque centrale américaine et stipule que seul un motif valable, de type faute, fraude ou négligence, permettrait de congédier quiconque parmi les sept gouverneurs, incluant Powellqui a déclaré la semaine dernière au club économique de New York : «Nous ne serons jamais influencés par la moindre pression politique… Notre indépendance est protégée par la loi.»

Même si Trump a déclaré mardi ne pas avoir l’intention de congédier le président de la Réserve fédérale, son administration semble bien décidée à tester la solidité juridique de cette indépendance. Les récents congédiements effectués au sein de plusieurs organismes étatiques indépendants visaient apparemment aussi à tester la constitutionnalité des règles de droit établies de longue date.

Effectivement, le président Trump a congédié des commissaires de la Federal Trade Commission (FTC) et du National Labor Relations Board (NLRB). Cette décision ne contrevient pas seulement aux usages en vigueur à Washington, mais également à la loi, car pour les spécialistes de ces questions juridiques, il s’agit de postes qui dépendent du Congrès et sont protégés par un arrêt de la Cour suprême de 1935 (Humphrey’s Executor v. United States). Dans le cas du NLRB, il semble qu’un recours à la plus haute instance judiciaire se forme et devrait faire l’objet d’un jugement vers la fin juin, qui confirmera ou renversera cette jurisprudence. En cas de renversement, un président pourrait alors congédier le dirigeant ou tout gouverneur de la Réserve fédérale, sans autre motif que de désapprouver la politique monétaire en vigueur.

Les experts juridiques estiment que la Cour suprême a les moyens de consolider la jurisprudence actuelle et même de mieux protéger la Réserve fédérale, en tout cas dans sa capacité à mettre en œuvre sa politique monétaire de façon indépendante. Il est toutefois possible que la Cour suprême autorise les congédiements au NLRB (estimant que les fonctionnaires qui tranchent des litiges appliquent dans les faits la loi et relèvent donc du pouvoir exécutif), tout en décidant que la Réserve fédérale se trouve dans une situation différente des autres organismes fédéraux indépendants en raison de son mandat, qui consiste notamment à établir la politique monétaire du pays. Le Congrès a de son côté le pouvoir de réglementer la valeur de l’argent, ce qui donnerait au mandat de la Réserve fédérale une dimension quasi législative (et non du ressort du pouvoir exécutif).

Le très conservateur juge à la Cour suprême Samuel Alito a argué en 2023 du caractère incontestablement distinct de la Réserve fédérale, utilisant l’expression d’«institution unique ayant un historique unique», par rapport aux autres organismes indépendants. Cette déclaration pourrait renforcer sa capacité à convaincre les autres juges aux sensibilités conservatrices.

Ironiquement, la Maison-Blanche a affirmé, pas plus tard qu’en février dernier, le caractère différent de la Réserve fédérale dans un décret présidentiel de portée générale visant à placer les organismes financiers directement sous le contrôle du président, lui accordant ainsi un statut d’exception en raison de sa compétence pour fixer les taux d’intérêt.

La Maison-Blanche aurait-elle intérêt à limoger Powell si elle le pouvait?

Les perturbations que causerait le congédiement du président ou d’un gouverneur de la Réserve fédérale, à la pure discrétion du président des États-Unis, dépasseraient largement les quelques gains à court terme qui découleraient éventuellement d’une baisse du taux directeur. C’est bien l’indépendance de la Réserve fédérale qui a permis la maîtrise des anticipations d’inflation aux États-Unis depuis plusieurs décennies et le caractère de valeur refuge des marchés de capitaux américains, précisément car celle-ci peut effectuer des ajustements, même potentiellement douloureux, pour garantir la stabilité des prix à long terme et le plein emploi. La remise en cause de cette indépendance – que le président utilise ou non ses pouvoirs pour congédier des fonctionnaires fédéraux – détériore aussi le statut exceptionnel dont bénéficiait jusqu’à présent le marché des bons du Trésor américain, tirant potentiellement les taux obligataires à la hausse et le dollar à la baisse.

La Maison-Blanche ne pourrait d’ailleurs pas se contenter de congédier le président de la Réserve fédérale pour modifier directement la politique monétaire des États-Unis,car les décisions sont effectuées collégialement par le Federal Open Market Committee (FOMC), lequel se compose des sept gouverneurs, du président de la Réserve fédérale de New York ainsi que de quatre membres tournants des autres banques de réserve régionales. Powell préside le FOMC, dont le vice-président est John Williams, par ailleurs président de la Banque de réserve fédérale de New York.

Toute décision de hausse ou de baisse du taux directeur se prend à la majorité de l’ensemble des 12 membres du FOMC. Si Powell était révoqué de son poste de président du FOMC, ou purement et simplement congédié de la Réserve fédérale, le FOMC procéderait rapidement à l’élection d’un remplaçant,qui pourrait être Willliams, mais cela n’est pas garanti. Dans un cas comme dans l’autre, rien ne présuppose que le FOMC déciderait alors d’abaisser les taux directeurs plus rapidement. Parmi les potentiels futurs présidents de la Réserve fédérale, citons également Chris Waller (nommé par Trump en 2020), qui semble avoir une vision plus traditionnelle de la politique monétaire.

De plus, la nomination du président de la Réserve fédérale exige 50 votes de confirmation au Sénat, alors que plusieurs sénateurs républicains semblent soutenir une Réserve fédérale indépendante,notamment l’ancien chef de la majorité Mitch McConnell (R-KY), et pourraient donc hésiter avant de confirmer le remplacement de Powell ou d’autres gouverneurs.

Notons que si l’administration Trump souhaitait surtout abaisser les taux d’intérêt pour relancer l’économie réelle, le congédiement de Powell risquerait de nuire à son objectif plutôt que d’en favoriser l’atteinte. Il suffit pour s’en convaincre de constater la hausse du taux de rendement du bon du Trésor américain à 10 ans, lequel conditionne souvent le niveau du crédit immobilier et d’autres prêts, dès que Trump a commencé à mettre la pression sur Powell.

Rhétorique et réalité

Nous avons déjà indiqué que dans sa tendance à remettre en cause les usages, voire la loi, le locataire actuel de la Maison-Blanche sait bien qu’il doit composer avec des décisions judiciaires qui remettront en cause au moins une partie, si ce n’est la totalité, de ses déclarations. Certains conseillers du président se montrent apparemment sceptiques quant à la solidité de l’arrêt Humphrey’s Executor et souhaitent bien en tester les limites, avec les conséquences potentielles que l’on connaît pour l’indépendance de la Réserve fédérale.

Du point de vue de l’administration Trump, les critiques du président de la Réserve fédérale procèdent du jeu politique. Cela permettrait par exemple de mettre sur le dos de Powell une correction des marchés, éventuellement causée plus vraisemblablement par les politiques de cette administration. Dans ce sens, Powell est bien plus utile à Trump à la banque centrale, qu’en dehors. En outre, le président sait bien à quel point la popularité de son prédécesseur avait souffert d’une décision de la Réserve fédérale de relèvement tardif des taux et de sa contribution probable à une inflation élevée qui avait terni tout son mandat.

En conclusion

Nous pensons donc que, malgré ses déclarations fracassantes, il est peu probable que Trump décide de congédier Powell. Il s’en est d’ailleurs défendu mardi après-midi. On peut par ailleurs s’attendre à ce que la Cour suprême ne remette pas en cause le statut exceptionnel de la Réserve fédérale et à ce que son indépendance reste intacte. Quand bien même une certaine ambiguïté subsistait dans sa prochaine décision, la Maison-Blanche n’aurait selon nous pas intérêt à se lancer dans une bataille juridique au sort incertain ou à risquer une autre correction des marchés (en particulier obligataires).

Toutefois, le simple fait que les investisseurs évoquent la question suscite en soi des craintes. Le mandat de président de Powell se termine en mai 2026 (mais celui d’administrateur dure jusqu’en janvier 2028), de sorte que Trump pourra commencer à remodeler la Réserve fédérale en partant du haut d’ici environ un an. Une probabilité, aussi faible soit-elle, qu’un président puisse congédier un gouverneur ou le président de la Réserve fédérale constitue un événement défavorable sur les marchés,qui pourrait affaiblir encore l’appétit des investisseurs pour les placements en dollars et contribuer à leur diversification au profit d’autres marchés que celui des États-Unis, même sans changement des usages importants dans la politique monétaire américaine.

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